Le témoignage de Céline

Le cancer du sein, entre génétique et malédiction

Céline a 42 ans et elle vis sur le bassin d’Arcachon. Elle est mariée avec Philippe. Ensemble ils ont deux enfants, Clémentine 17 ans et Loris 14 ans.  Céline est porteuse d’une mutation sur le gène PALB2 qui la prédispose à développer un cancer du sein. A Savoir pour Choisir, elle raconte dans quel contexte elle a appris et vécu cette nouvelle et partage avec nous son expérience de l’ablation préventive, chirurgie pour laquelle elle a opté afin de ne pas tomber malade.

Après la découverte chez ma tante maternelle d’une mutation génétique fin 2018, on a proposé à ma famille de se faire dépister. La recherche a été effectuée à l’hôpital Paul Brousse à Villejuif où ma tante a été soignée pour plusieurs cancers, dont celui de l’ovaire. Elle est malheureusement décédée en juin 2020.

Ma grand-mère fut la première chez qui on détecta ensuite la présence de ce gène, en décembre 2018. Elle est décédée le même mois, pas des suites d’un cancer, même si durant sa vie elle en eu plusieurs dont des cancers bilatéraux du sein. Ce fut ensuite au tour de ma mère d’effectuer le test, et ses résultats revinrent également positif en décembre 2018. Ma mère a souffert d’un cancer du sein plus jeune et a choisi de faire le retrait préventif de ses ovaires.

Une annonce difficile

« Une fois la nouvelle digérée, je me suis dit que c’était finalement une chance d’avoir été détectée. »

 J’ai eu d’abord beaucoup d’angoisses lorsque j’ai appris que ma mère était porteuse de cette mutation génétique qui prédispose au cancer du sein, je savais que si le résultat était positif pour elle alors j’avais un risque moi aussi de l’être. L’attente des résultats de la génétique est très longue, quatre mois à se poser des questions et à angoisser, à penser que si le test est positif ma vie d’après ne sera plus la même.

Le jour des résultats, mon mari Philippe m’accompagne. A l’annonce des résultats par l’onco-généticienne je me suis effondrée, mon mari était là pour me soutenir, il a été d’un grand réconfort. Une fois la nouvelle digérée, je me suis dit que c’était finalement une chance d’avoir été détectée. Avec le haut risque de développer un cancer du sein qui était le mien, l’onco-généticienne m’a expliqué le protocole de suivi et les options qui se présentaient à moi : Un suivi annuel avec IRM, mammographie, échographie et rendez-vous gynéco. Ou une double mastectomie bilatérale prophylactique.

La décision m’appartenait, le médecin ne souhaitait pas m’influencer. J’ai donc opté dans un premier temps pour le suivi annuel, la double mastectomie me semblant une opération lourde et douloureuse. Je suis suivie à l’institut Bergonié de Bordeaux, c’est un centre régional de lutte contre le cancer, il permet une prise en charge globale des patients atteints de cancer. Je tiens à souligner que c’est un excellent centre avec un personnel très humain et disponible. Le suivi démarre alors en 2019, tout se passe bien malgré l’angoisse des résultats lors des examens de contrôle. Ceux de 2019 et 2020 me revinrent sans anomalie.

Le temps du changement

« Ma décision fut prise. Plus jamais ça : »

Mais en 2021 à l’IRM est apparu un signal suspect. Pour mon cas, les médecins ne prennent aucun risque. Un rendez-vous est pris pour une biopsie sous IRM. Malheureusement j’attrape le COVID et le rendez-vous doit être repoussé de 3 semaines.

Il s’écoule donc un mois et demi entre la détection suspecte et l’annonce des résultats de l’IRM qui ne révèlent finalement pas de maladie. Un mois et demi où, pour moi, il était évident qu’on allait m’annoncer que j’avais un cancer du sein. Sans le vouloir, j’ai transmis ce stress à ma famille. Ma décision fut prise. Plus jamais ça ! Le jour même des résultats fut le jour où j’ai décidé de prendre rendez-vous avec une chirurgienne dans le but d’entamer les démarches pour la double mastectomie. Une date est posée. L’opération aura lieu le 24 février 2023.

« Je suis sortie soulagée, je ne vis plus avec cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête »

On me propose plusieurs techniques de chirurgie. J’opte pour la double mastectomie avec reconstruction par prothèses sur le muscle et je fais le choix de garder la plaque oréolo-mamelonnaire (PAM). Cette option m’a paru la moins compliquée et la moins douloureuse avec un rétablissement plus rapide. Cette opération a été prise en charge intégralement par la sécurité sociale.

A partir du moment où ma décision fut prise, je ne l’ai pas vécue comme une épreuve. Avant l’opération, la chirurgienne a répondu à toutes mes questions et a effacé mes craintes, elle m’a rassurée sur les suites opératoires. Le réveil de l’opération n’a pas été douloureux, les drains étaient plus inconfortables que douloureux. La première nuit s’est bien passée, malgré de nombreux réveils par les infirmières pour des contrôles. Puis les douleurs post opératoires se sont réveillées, vite calmées par du doliprane. Durant les quatre jours de mon séjour à l’hôpital, les douleurs, largement supportables ont toujours été prises en charge. Le deuxième jour, les pansements ont été retirés et j’ai pu découvrir ma nouvelle poitrine. Je dois avouer, je l’ai déjà trouvée super belle. Bleutée certes mais belle. Mes drains ont été retirés le quatrième jour et j’ai pu partir dans la foulée. Je suis sortie soulagée, je ne vis plus avec cette épée de Damoclès au dessus de la tête.

La force de l’entourage

 J’ai été très soutenue dans ma décision et très entourée par mes proches qui ont été soulagés de savoir que le risque avait été fortement réduit grâce à cette intervention. Mon mari a vécu le décès de sa maman des suites d’un cancer du sein en 2020, nous en avions été tous très fortement affectés. Cette opération c’était aussi la certitude pour eux comme pour moi de ne pas revivre la même épreuve.

 J’ai rapidement pu reprendre toute mes activités. Si ma fille est aussi porteuse de cette mutation, je me dis que sa décision sera peut-être plus facile à prendre. Ma mère se pose toujours la question de savoir si elle souhaite faire l’opération, peut-être que mon expérience l’aidera à sauter le pas ….

Si c’était à refaire

Dans ce parcours, le plus dur a été « l’avant décision », avec des rendez-vous dans des services d’oncologie, des examens avec des attentes de résultats angoissantes. Pendant le même temps, j’étais en train de perdre des êtres chers du cancer. J’ai pu vivre leurs espoirs, leur combat, leurs douleurs.

Tout ce que j’ai vécu après l’opération a été un soulagement, même si ça n’a pas effacé la douleur d’avoir perdu des proches que j’aimais. Le bénéfice que j’en tire aujourd’hui est de ne plus vivre le stress des examens et la crainte d’avoir un cancer du sein. Je respire enfin. Il me restera tout de même une crainte, celle des ovaires, la mutation PALB2 en accroit le risque également.  Mon gynécologue me fait passer une échographie par an. J’en ferai l’ablation vers 50 ans.

A mes consœurs

J’ai envie de dire à celles qui apprennent être porteuse de mutation génétique qui les expose à un haut risque de développer un cancer du sein qu’elles ont, quelque part, la chance que ce gène muté ai été décelé. Elles vont pouvoir être suivies régulièrement dans des services spécialisés.

Sachez que l’opération est plus impressionnante que douloureuse et que tout est pris en charge par la sécurité sociale. Certaines mutations engendrent un risque jusqu’à 80 % de développer un cancer du sein et cette opération l’atténue considérablement. Les douleurs ne sont pas insurmontables. Et en prime, je retrouve pour ma part la poitrine de mes 20 ans. 

Propos recueillis par Alice Detollenaere pour -Savoir pour Choisir-